Vente-privée : le développement international par le leadership national
vente-privee.com est le créateur du concept de ventes événementielles sur Internet et leader mondial du secteur. Spécialiste depuis 2001 du déstockage en ligne de grandes marques, il compte aujourd’hui 60 millions de membres dans le monde.
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Figure incontournable de l’Internet français, Jacques-Antoine Granjon a réussi à démocratiser le modèle des ventes événementielles en ligne et entrer dans le club très select des sociétés Internet qui réalisent plusieurs milliards d’euros de chiffre d’affaires. Alors que le groupe est entré dans une phase d’acquisitions majeures, Jacques-Antoine revient avec TextMaster sur le développement international de vente-privee en Europe et les enseignements tirés de son expérience aux États-Unis.
vente-privee réalise 25% de son chiffre d’affaires à l’international. Quelles sont vos ambitions et où en êtes-vous ?
Le développement international de vente-privee est aujourd’hui notre priorité.
Nous avons commencé par bâtir un leader national fort pour mieux nous développer à l’international par la suite. Notre territoire, c’est l’Europe. Nous n’en avons pas encore exploité pleinement les potentialités et nous pensons pouvoir accélérer notre développement par de la croissance externe sur certains marchés.
vente-privee opère aujourd’hui dans 12 pays et réalise plus de 25% de son chiffre d’affaires à l’international. Nous avons récemment annoncé l’acquisition de plusieurs leaders nationaux européens : notamment Eboutich en Suisse, Vente-exclusive.com, le numéro 1 au Benelux, et Privalia, le leader en Espagne, en Italie, Allemagne, au Mexique et au Brésil.
Ces acquisitions nous permettent d’élargir notre base de membres et d’augmenter significativement la part de nos ventes à l’international. Avec de surcroît la possibilité de pousser nos offres sur des marchés où nous sommes moins forts et de toucher de nouveaux membres.
Ces acquisitions devraient permettre au groupe de franchir la barre des 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2016. Les ventes à l’international représenteront un milliard d’euros en 2016, soit un tiers de notre chiffre d’affaires. À terme, nous prévoyons de réaliser la moitié de notre activité à l’international.
Nous avons fait le choix de nous concentrer sur l’Europe car c’est le marché à plus fort potentiel dans notre secteur. C’est à la fois le plus beau marché mondial en termes de nombre de consommateurs, de pouvoir d’achat, de structure commerciale, d’infrastructure logistique, etc.
Quelle a été votre stratégie à l’international ?
vente-privee s’appuie sur un modèle à la fois B2B et B2C. B2B, car nos premiers clients sont les marques qui nous confient leurs stocks. B2C, dans la mesure où nous distribuons ces marques sous le label vente-privee aux membres du site.
La croissance de vente-privee à l’international ne se mesure pas uniquement en termes de ventes locales, mais aussi par le chiffre d’affaires que les marques internationales permettent de générer pour l’ensemble du groupe. Les produits d’une marque espagnole peuvent ainsi être mis en vente dans d’autres pays si cette dernière est susceptible de représenter un intérêt pour nos membres.
Nous avons mis en place une stratégie de croissance mixte, à la fois organique et externe :
Organique
À partir de 2007, nous avons ouvert des bureaux commerciaux en Allemagne, en Espagne, en Italie et en Angleterre. Il s’agit des pays européens sur lesquels la taille du marché nous paraissait acceptable et où l’on trouve des marques locales avec suffisamment de stocks.
Cette stratégie B2B a très bien fonctionné, vente-privee collabore aujourd’hui avec plus de 3 700 grandes marques européennes.
Externe
vente-privee n’a jamais fait d’investissements marketing massifs pour développer sa notoriété à l’international. Nous avons fait le choix de concentrer nos efforts sur le marché français pour y bâtir notre leadership et nous donner les moyens de nous développer en Europe en procédant à des acquisitions d’envergure dans un deuxième temps. Nous avons une vision à long terme de notre aventure, c’est pourquoi nous ne nous intéressons qu’a des entreprises profitables, leaders sur leur marché.
C’est cette stratégie d’acquisition qui nous permet aujourd’hui d’accélérer fortement à l’international.
vente-privee est principalement présent en Europe. Quelles difficultés y avez-vous rencontrées ?
L’Europe est un marché aussi prometteur que complexe. Les entreprises doivent s’adapter à une multitude de contraintes locales. Ouvrir un nouveau pays revient pratiquement à créer une nouvelle startup. Cela coûte souvent très cher. Il est fondamental de s’assurer de sa solidité pour faire face à ce type d’investissements.
vente-privee a très bien réussi son développement B2B de manière organique. Nous avons en revanche rencontré plus de difficultés en B2C. Nous n’étions notamment pas prêts à investir massivement en marketing pour développer davantage notre notoriété.
C’est une décision que je ne regrette pas. vente-privee a été absorbé par son succès sur le marché français. Le développement français a aspiré la majorité des initiatives, avant l’international. Mais c’est ce qui nous a permis de générer suffisamment de profits pour être aujourd’hui en mesure d’acquérir les principaux leaders européens.
Avec le recul, estimez-vous que cette stratégie était la bonne ?
Oui, cette stratégie s’est avérée extrêmement payante. Nous avons su nous développer de manière profitable depuis 2004 sans jamais lever de fonds. J’ai toujours veillé à maintenir cette solidité financière qui est aujourd’hui le moteur de notre expansion internationale.
Je pense qu’il est essentiel de se donner les moyens de réussir à l’international. C’est pourquoi nous avons choisi de ne pas nous précipiter et conserver notre profitabilité.
Nous avons su laisser grandir nos concurrents localement et attendre qu’ils deviennent profitables. Nous avons ainsi évité d’investir à perte et nous avons pu racheter ces acteurs au moment que nous estimions opportun.
Quelles adaptations avez-vous consenties pour dupliquer le modèle de vente-privee à l’international ?
Nous avons dû nous adapter aux particularités de chaque pays, en tenant compte notamment des habitudes locales de consommations et des contraintes légales. Les Allemands sont par exemple particulièrement attentifs aux politiques de retour et aux conditions de remboursement. Il est nécessaire d’être extrêmement clair et précis sur ces sujets.
En termes de stratégie de communication, j’avais fait le choix d’incarner personnellement vente-privee auprès des médias. À nos débuts en France en 2004, nous nous trouvions dans un contexte assez particulier : Internet générait alors beaucoup d’engouement et la presse s’intéressait de près au développement de ses acteurs.
Ce momentum n’était pas réplicable en tant que tel et nous avons choisi de ne pas dupliquer cette stratégie à l’étranger. Nous avons au contraire développé une communication personnalisée autour de nouveaux patrons de pays qui sont le visage de l’entreprise.
vente-privee a quitté le marché américain en 2014 pour se concentrer sur l’Europe. Quelles leçons tirez-vous de votre expérience aux États-Unis ?
Je m’étais toujours promis de ne pas lancer vente-privee aux États-Unis. C’est un pays de consommation de masse où il est très facile de trouver des produits de marque à bas prix tout au long de l’année. Le marché du discount y est très développé et les marques fabriquent d’ailleurs déjà directement pour les outlets.
J’ai observé le développement de Gilt aux États-Unis en 2007 sur un modèle inspiré de vente-privee. J’étais déjà sceptique à l’époque sur la capacité d’imposer le modèle de ventes flash aux consommateurs américains. Gilt, qui avait pourtant été valorisé jusqu’à 1,1 milliard de dollars, vient d’être racheté pour moins de 250 millions de dollars ; une somme qui ne couvre même pas les montants levés (300 millions de dollars).
Je me suis malgré tout laissé tenter par l’aventure américaine. C’était un choix émotionnel qui n’a pas été dicté par des éléments rationnels. Je pensais que notre partenariat avec American Express et leurs 40 millions de membres nous permettraient d’éviter les pièges classiques du marché américain. Cela n’a pas suffi. Nous avons fait plusieurs erreurs, comme la décision de nous installer à New York au lieu de Seattle, alors même que les salaires y sont chers, la logistique complexe et la main d’oeuvre peu qualifiée dans le commerce.
Nous avons néanmoins recruté 1,3 million de membres et réalisé 50 millions de dollars de chiffre d’affaires en 3 ans, ce qui n’est pas négligeable en partant de zéro. Mais ces résultats n’étaient pas à la hauteur de nos ambitions et nous n’y étions pas rentables. J’ai donc finalement pris la décision de cesser nos activités aux États-Unis, sans regrets.
Cette aventure nous a certes coûté du temps, de l’énergie et de l’argent. Cela n’a sûrement pas été sans conséquence sur notre développement en Europe. C’est cependant une très bonne leçon qui nous a permis d’en apprendre beaucoup sur notre métier.
Nous nous concentrons désormais sur le marché européen, même si nous regardons avec attention ce qu’il se passe en Amérique Latine.
Quels conseils donneriez-vous aux entrepreneurs qui se développent à l’international ?
Je pense qu’il est très important de se développer à l’international avec des équipes locales. C’est un sujet extrêmement complexe qui demande à la fois de l’investissement, de l’ambition et de l’implication.
Je pense aussi, mais vous l’aurez compris, qu’il faut être fort sur son marché local avant d’envisager de nouveaux marchés étrangers. L’international représente indéniablement une très belle aventure, mais il faut parfois savoir prendre son temps avant de la tenter.
Merci à Jacques-Antoine Granjon d’avoir partagé avec TextMaster les coulisses du succès international de vente-privee.
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