OLX est l’un des leaders mondiaux des annonces gratuites en ligne, avec 260 millions d’utilisateurs dans plus de 40 pays. L’entreprise a été fondée par Fabrice Grinda et Alex Oxenford en 2006 et a été rachetée par le groupe média sud-africain Naspers en 2010.
10 entrepreneurs français du digital racontent leur succès à l’international
Fabrice Grinda est probablement le plus américain des entrepreneurs français. Basé aux États-unis depuis 2000, le co-fondateur des success stories Aucland, Zingy et OLX est également un investisseur aguerri dans plus de 200 startups dont Alibaba, BlaBlaCar, DropBox, Uber pour ne citer que les plus connues (NDLR : Fabrice Grinda est également investisseur chez TextMaster). Fabrice est revenu avec TextMaster sur l’aventure internationale d’OLX : son lancement inédit dans plus de 100 pays et sa bataille rangée au Brésil avec le groupe Schibsted (Le Bon Coin).
Vous avez fait le choix de lancer OLX simultanément dans une centaine de pays. Pourquoi cette stratégie ?
À la création d’OLX, un certain nombre d’acteurs comme Schibsted (Le Bon Coin) ou Craigslist étaient déjà bien implantés. Nous souhaitions nous différencier en améliorant le produit et l’expérience utilisateur mais nous n’étions pas certains de réussir à créer suffisamment de trafic dans les pays où la concurrence était déjà établie.
Nous avons donc opté pour une stratégie de lancement assez inédite : nous avons lancé OLX directement dans 100 pays et 50 langues afin d’observer où OLX avait le plus de traction. Nous avons dépensé 50 000 dollars par pays, soit 5 millions de dollars en tout, dans le but d’atteindre simultanément une masse critique d’acheteurs et de vendeurs.
Cette stratégie a eu des résultats surprenants :
- Elle n’a pas fonctionné dans des pays comme les États-Unis, l’Angleterre ou la France, où le coût d’acquisition client était trop élevé et où la concurrence était déjà bien installée.
- Elle a en revanche très bien fonctionné au Brésil et en Inde, et dépassé nos espérances au Portugal et au Pakistan. Cette stratégie a, dans ces pays, déclenché un cercle vertueux pour OLX : les acheteurs attirants plus de vendeurs qui attirent, à leur tour, plus d’acheteurs.
Forts de ces résultats, nous avons concentré nos efforts sur le Brésil, l’Inde, le Portugal et le Pakistan, sans investir dans les autres pays. OLX est ainsi devenu un acteur majeur dans ces 4 pays, ce qui nous a permis de comprendre et maîtriser les principaux leviers de notre métier.
Nous sommes ensuite entrés dans une 2e phase d’expansion, cette fois basée sur une analyse rigoureuse des marchés cibles : population, PIB par habitant, taux de pénétration et financement des concurrents, etc. Nous avons alors relancé OLX dans une vingtaine de pays, principalement en Afrique, en Europe de l’Est et en Asie du Sud-Est.
OLX est aujourd’hui présent dans 47 pays et leader dans 38 d’entre eux. La société génère plusieurs centaines de millions de dollars de chiffre d’affaires et emploie plus de 3 000 personnes dans le monde.
Appliqueriez-vous aujourd’hui cette même stratégie si c’était à refaire ?
Oui, j’appliquerais exactement la même approche. Mais attention, tous les métiers ne sont pas si facilement internationalisables :
- Des entreprises comme Facebook ou Wikipédia, qui génèrent du contenu grâce à leurs utilisateurs, ont toutes les raisons de s’internationaliser tôt. Elles n’ont, pour ce faire, qu’à traduire et localiser leur plateforme.
- À l’inverse, des entreprises qui reposent sur des modèles complexes et qui demandent une forte localisation de leur offre ont tout intérêt à ne pas s’internationaliser trop tôt. L’international peut être une distraction dangereuse qui peut alors mettre en péril la réussite de l’entreprise sur le marché d’origine.
OLX était un cas intermédiaire : le contenu était généré par les utilisateurs mais le besoin était extrêmement local. Notre trafic au Pakistan ne nous était d’aucune utilité en Inde. Il a fallu nous développer ville par ville tout en créant un équilibre entre l’offre et la demande.
Les deux approches d’OLX, la première opportuniste et la seconde plus structurée, nous ont toutes les deux donné satisfaction. La première ayant eu le mérite de faire émerger des marchés comme le Pakistan ou le Portugal auxquels nous n’aurions probablement jamais pensé !
Quelle structure avez- vous adoptée dans votre développement international ?
OLX était structuré, dès le départ, de manière hybride : nous nous sommes lancés avec 5 personnes à New York et une centaine d’employés à Buenos Aires. Nous avions décidé de baser la technologie, le produit et le service client en Argentine alors même que nous n’étions pas commercialement présents dans ce pays à l’époque. C’était, là aussi, un choix atypique mais judicieux : le recrutement y était beaucoup plus facile et moins coûteux qu’aux États-Unis.
Nous avons ouvert nos premiers bureaux locaux quand nous avons fait le choix de nous focaliser sur nos quatre premiers marchés (Brésil, Inde, Portugal et Pakistan). Nous avons aujourd’hui plus de 3 000 collaborateurs répartis dans 47 pays et l’essentiel de notre équipe est toujours basée à Buenos Aires.
Les country managers peuvent ainsi s’appuyer sur nos ressources centralisées en Argentine et se concentrer sur le marketing et la communication locale. Ils déploient aussi des équipes dédiées au service client et à la modération pour adapter le service aux mœurs et à la culture du pays.
OLX est présent dans des pays très différents. Avez-vous dû faire des efforts de localisation importants ?
Oui, tout à fait. Le meilleur exemple est l’interface du site. Elle est, en fonction des pays, basée sur une carte où les utilisateurs sélectionnent d’abord leur région ou sur des catégories non géolocalisées.
Quand la capitale représente une partie importante de la population, l’interface basée sur une carte est celle qui fonctionne le mieux. Au contraire, dans des pays comme l’Inde ou le Pakistan, où la population est répartie dans une multitude de villes, cette interface ne fonctionnait pas.
Suite à plusieurs phases de multi-testing, nous avons opté pour une interface non géolocalisée nous permettant d’optimiser les taux de conversion.
Au-delà de cet exemple, nous avons adapté de nombreux éléments comme les couleurs, les catégories, le ton employé, les campagnes de communication, en fonction des préférences locales. Nous sommes même allés jusqu’à modifier le nom de domaine dans certains pays : OLX.ru est par exemple devenu Avito.ru en Russie.
Je pense qu’il est essentiel de paraître le plus local possible tout en veillant à conserver des éléments homogènes à travers le monde. Le but étant de profiter des doubles bénéfices de la localisation et des leçons apprises dans les autres pays.
OLX se positionne sur un marché très concurrentiel. Comment vous êtes-vous imposés face aux concurrents locaux ?
Notre marché est très dépendant de l’effet Winner takes all. Nous adoptions ainsi une approche très agressive, en investissant massivement dans le marketing pour écarter nos concurrents locaux qui n’avaient pas les moyens de faire face. Nous avons également racheté certains concurrents de manière opportuniste quand le coût d’acquisition était inférieur à celui d’un lancement organique.
Notre principal concurrent a été le groupe Schibsted, qui s’était également implanté avec des moyens financiers conséquents sur certains de nos marchés. La bataille a été très vive avec eux au Brésil. Après avoir dépensé 500 millions de dollars à nous deux en marketing et publicité, nous avons finalement décidé de fusionner à 50/50 en 2015.
Le groupe Naspers est rentré au capital d’OLX en 2010. Quel a été l’impact sur votre développement international ?
La bataille avec Schibsted a été brutale. Le groupe, qui était principalement présent en Europe, a commencé à nous attaquer sur nos marchés forts : les pays émergents.
Nous n’avions pas d’autre choix que de riposter. Nous avions besoin d’une centaine de millions de dollars pour faire face au Brésil et au Portugal.
C’est à ce moment-là que nous avons eu l’opportunité de nous associer à Naspers, un groupe média international qui avait la force de frappe nécessaire pour nous appuyer dans ce combat. C’est ce qui nous a permis de mettre en place une stratégie très agressive face au groupe Schibsted.
Vous êtes également un investisseur reconnu. Vous intéressez-vous principalement à des entreprises dont l’ambition est internationale ?
Je pense qu’il faut connaître parfaitement son métier et avoir un modèle économique qui fonctionne avant de se développer à l’international. C’est assez paradoxal avec le développement d’OLX, dont le modèle 100% digital n’avait pas vraiment de frontières.
Je m’intéresse en général à de très jeunes entreprises, qui sont pour l’essentiel encore purement nationales.
En revanche, je n’investis que dans des entreprises dont le pays d’origine respecte certaines conditions : un marché domestique suffisamment développé et qui permet de lever du capital localement. J’investis donc principalement aux États-Unis, en Allemagne, en Angleterre, en France, en Russie, au Brésil, en Turquie, en Inde et en Chine.
Si je dois investir dans des entreprises dans de plus petits pays, c’est par contre à la condition que celles-ci s’attaquent à un marché mondial.
Quelles entreprises ont selon vous particulièrement bien réussi leur développement international ?
Je pense notamment à Uber et Airbnb, dont l’expansion internationale est à la fois impressionnante et très bien pensée.
Dans les deux cas, ces startups génèrent une partie de leur contenu avec leurs utilisateurs. Ce sont les chauffeurs et les propriétaires d’appartements qui s’inscrivent sur la plateforme, un peu comme TextMaster avec ses traducteurs. Uber et Airbnb ont néanmoins créé des bureaux locaux, indispensables au recrutement d’utilisateurs à l’échelle locale, et ce ville par ville. Cela s’est avéré être une stratégie extrêmement gagnante pour ce modèle d’entreprise.
Quels conseils donneriez-vous aux entrepreneurs qui se développent à l’international ?
Mon principal conseil serait de ne pas s’internationaliser trop tôt. J’ai l’impression que de nombreuses entreprises effleurent à peine leur potentiel domestique quand elles se lancent à l’étranger. Ça peut être une distraction dangereuse pour une toute jeune entreprise.
Mais tout est question de nuance, attention à ne pas s’internationaliser trop tard. Si vous maîtrisez votre métier et que le marché est à prendre, il ne faut surtout pas hésiter à y aller.
Merci à Fabrice Grinda d’avoir partagé avec TextMaster les coulisses du succès de l’aventure internationale d’OLX.
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