L’entrepreneuriat connaît depuis déjà plusieurs années en France un nouvel essor. Les startups fleurissent et nombre d’entre elles ont toujours un objectif en tête : percer outre-Atlantique. Le rêve américain est une idée toujours très présente dans la tête des entrepreneurs français aux États-Unis, qui voient en le succès aux USA le symbole ultime de la réussite.

Les nombreuses institutions dédiées entièrement au rayonnement des entreprises françaises à l’international (label French Tech, Business France, Chambres de commerce, BPI France…) participent de cette tendance.


10 entrepreneurs français du digital racontent leur succès à l’international


Mais quelle est en réalité la situation des entrepreneurs français aux États-Unis ? Quelles sont les stratégies (plus ou moins payantes) que les entrepreneurs français mettent en place pour investir le territoire américain ? Existe-t-il une formule magique, une recette pour s’assurer le succès aux États-Unis ?

1 – Réussir du premier coup aux États-Unis lorsque l’on vient de France : impossible, vous dites ?

Elles sont rares, mais elles existent : certaines entreprises relèvent le challenge d’une implantation aux États-Unis avec brio, et ce, dès leur premier essai. C’est le cas, par exemple, de Kyriba. Ce software en trésorerie français créé en France a de suit eu la volonté de s’imposer comme une véritable entreprise américaine en montant son siège à San Diego, en Californie.

Sans acquisition, Kyriba a démarré “from scratch” aux États-Unis, à coup d’ouvertures de bureaux sur place et de recrutement de commerciaux américains pour conquérir les premiers clients. Un véritable succès puisque le logiciel détient 20% des parts de marchés aux États-Unis, qui représentent la moitié du chiffre d’affaires.

S’implanter aux États-Unis requiert selon Jean-Luc Robert, CEO, beaucoup de patience et d’argent : “Il faut se donner au moins 3 ans pour réussir aux États-Unis”. Il est capital également de bien déterminer les facteurs de différenciation et le positionnement, afin de proposer un offre parfaitement adaptée au marché américain… sans toutefois recréer totalement le produit : “si le travail d’adaptation est trop important, c’est probablement que le marché n’est pas pertinent pour [l’entreprise]”.

Transférer les compétences principales aux États-Unis peut également s’avérer indispensable pour donner aux clients américains l’assurance de la pérennité de l’entreprise : comme le souligne également David Lebée, fondateur et CEO de Dayuse.com, “les américains accordent généralement peu d‘importance à une société si elle n’est pas physiquement présente”.

2 – Learning by doing : échouer et recommencer, une habitude pour les entrepreneurs Français aux États-Unis

Il ne suffit pas de dupliquer ; il est très important de s’entourer de locaux, de recruter des américains qui comprennent mieux les attentes et la culture locale, et peuvent faire passer l’ADN de la marque au public américain”. C’est par ces mots que Margaux Dauce, Brand Content Manager chez Michel et Augustin, décrit le challenge d’une implantation aux États-Unis.

Et pour cause : la marque française a eu du mal à transmettre son grain de folie et son jargon très spécifique outre-Atlantique. De la stratégie de communication au packaging des produits en passant par les recettes, il a fallu tout revoir. Cela a fini par porter ses fruits puisque la marque a été distribuée pendant un an dans les cafés Starbucks aux États-Unis, écoulant au passage plus de 2 millions de biscuits.

Konbini a également essuyé quelques échecs aux U.S.A. La première phase de lancement qui a consisté à dupliquer la stratégie utilisée en Europe (et notamment au UK) n’a pas fonctionné, le secteur de l’entertainment étant très concurrentiel aux U.S.

Comme le soulignent les fondateurs David Creuzot et Lucie Beudet, “la mutualisation totale ne fonctionne pas”. C’est en identifiant une forte communauté autour des sujets environnementaux que Konbini est parvenu à pénétrer le secteur.

Le marché américain est la priorité n°1 pour Dayuse.com. Au départ, la startup française fondée par David Lebée pensait réussir en créant une filiale locale pour rassurer les américains et faciliter la rencontre avec les hôteliers. Mais a commis quelques erreurs au passage : recrutement de collaborateurs américains peu qualifiés, implantation à Miami (pour des raisons fiscales), gestion des fonctions support depuis Paris…

Heureusement, l’entreprise n’a pas tardé à rectifier le tir en se relocalisant à New-York et en recrutant des commerciaux très qualifiés, puis en envoyant le country manager UK, culturellement plus adapté, gérer les opérations sur place.

Les U.S.A. faisaient évidemment partie des 100 pays dans lesquels OLX a souhaité s’implanter dès sa création pour tester son modèle. Avec 50 000 dollars et 5 personnes à New-York, la stratégie n’a pas fonctionné aux États-Unis du fait de la concurrence déjà bien installée et d’un coup d’acquisition client trop élevé.

Toutefois, en 2015, l’un des co-fondateurs d’OLX, Alec Oxenford lance letgo.com, une app mobile de petites annonces géolocalisées, qui a levé la même année 100 millions de dollars auprès de Naspers… principal investisseur d’OLX. Et la société compte bien faire trembler les géants eBay et Craigslist sur le marché américain !

3 – Et si la solution était de créer son entreprise directement États-Unis ?

Certains entrepreneurs français font le choix de l’expatriation pour monter leur business directement au pays de l’Oncle Sam. Un pari risqué, mais qui peut payer si l’on sait s’entourer des bons partenaires ou mentors. Les exemples sont nombreux, mais nous en avons choisi 3 pour illustrer cette tendance :

Holberton School : fondée en 2015 à San Francisco par deux ingénieurs français, cette structure utilise les méthodes d’apprentissage d’écoles françaises comme Epitech et 42 pour former gratuitement des ingénieurs informaticiens. Pour la première promotion en 2016, l’école a reçu plus de 1000 candidatures, pour 32 élèves retenus seulement. Ces derniers devraient d’ailleurs bientôt se retrouver sur le marché du travail, certains d’entre eux ayant déjà effectué leur stage de mi-parcours chez Apple, Dropbox, ou encore la NASA.

Eventbrite : cette entreprise a créé une plateforme permettant à tout-un-chacun de trouver un événement, d’y participer, de le partager, mais aussi de créer des événements, de vendre des billets, d’assurer la logistique… Renaud Visage, français expatrié à San Francisco, a cofondé Eventbrite avec 2 américains, Julia et Kevin Hartz. L’entreprise pionnière du secteur en est aujourd’hui encore leader sur le marché américain.

Datadog : fondée en 2010 à New-York par deux français, Olivier Pomel et Alexis Lê-Quôc, l’entreprise spécialiste du cloud monitoring a levé près de 150 millions de dollars depuis sa création. Nommée dans le classement “Cloud 100” de Forbes en 2016 (qui recense les 100 entreprises leaders du Cloud Computing), Datadog fait également partie des dix entreprises ayant connu la plus forte croissance en Amérique du Nord en 2016 selon le classement des 500 entreprises de la tech de Deloitte. Rien que ça.

4 – Une entreprise française a-t-elle vraiment besoin du marché américain pour être pérenne ?

S’il existe de très belles histoires d’entrepreneurs français aux États-Unis, il ne faut pas pour autant en déduire qu’une société ne peut rencontrer le succès sans le marché américain.

Il suffit d’étudier le cas BlaBlaCar pour en être convaincu : entreprise française fondée en 2006 par 3 français, le leader mondial du covoiturage ne s’est jamais implanté aux États-Unis. Et pour de bonnes raisons : les longues distances et l’absence de péage font que le coût aux 100km est deux fois moins élevé aux États-Unis qu’en Europe.

Par ailleurs, étant donné que les transports en commun y sont assez peu développés, les covoitureurs auraient beaucoup plus de difficultés à se rendre aux point de rendez-vous.

Pourtant, passée de startup à véritable multinationale, BlaBlaCar fait partie des rares licornes françaises, tout comme vente-privee… qui n’est pas non plus présente aux États-Unis.

Il faut dire tout de même que malgré son scepticisme sur le sujet, le fondateur de vente-privée Jacques-Antoine Granjon a fini par céder à la tendance de l’implantation aux États-Unis. Grâce à un partenariat avec American Express, vente-privée est parvenue à réunir 1,3 millions de membres et à réaliser 50 millions de dollars de chiffre d’affaires aux États-Unis en 3 ans. Des résultats qui n’étaient malgré tout pas à la hauteur des ambitions.

Les activités ont donc été stoppées aux U.S.A. en 2014, et l’entreprise s’est recentrée sur son développement en Europe. Et avec 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2016 (soit 50% de croissance par rapport à 2015), on ne peut pas dire que vente-privée soit en difficulté sans les États-Unis.

 

Les stratégies et les motivations sont diverses, et les résultats aussi : une chose est sûre, rares sont les entreprises françaises (notamment dans le domaine de la tech) à ne pas se laisser tenter par l’aventure américaine. Mais a priori, pas de recette miracle ni de mode d’emploi pour réussir. Les entrepreneurs français aux États-Unis semblent toutefois tous se rejoindre sur un point : l’importance de l’adaptation au marché, pas si proche du marché français en matière de management, de techniques commerciales ou de culture.

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