Dayuse.com : les États-Unis en ligne de mire
Dayuse.com est le leader mondial de réservation d’hôtels en journée. La startup digitalise un marché jusque-là ignoré : la commercialisation de chambres d’hôtel pour quelques heures en journée, à tarifs réduits.
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À l’image de son concept, le fondateur de Dayuse.com, David Lebée, est un entrepreneur atypique. C’est en occupant la direction de l’Hôtel Amour que lui vient l’idée de louer les 70% de chambres d’hôtel inexploitées en journée. Après un premier tour record de 15 millions d’euros en 2016 et l’ouverture de bureaux aux États-Unis et au Brésil, David revient avec TextMaster sur les dessous de son expérience américaine, où il prévoit de réaliser la moitié de son chiffre d’affaires d’ici 3 ans.
Dayuse.com réalise déjà 55% de son chiffre à l’international, quelles sont vos ambitions ?
Nous avons aujourd’hui 150 000 utilisateurs et 4 000 hôtels partenaires dans 20 pays. Nous avons généré un volume d’affaires de 20 millions d’euros en 2016, dont plus de la moitié à l’international.
Le Royaume-Uni est notre 2e plus gros marché après la France. Nous y observons une croissance de 150% chaque année. Les États-Unis sont notre 3e marché, suivi par l’Italie.
L’international est une priorité pour Dayuse.com. Nous prévoyons d’ouvrir 30 nouveaux pays d’ici 3 ans. À l’horizon 2020, nous visons 2 millions d’utilisateurs et 500 millions d’euros de volume d’affaires, dont 90% à l’international, constitué pour moitié par les États-Unis.
Comment avez-vous sélectionné vos pays cibles ?
L’Europe est notre marché historique. En dehors du périmètre européen, nos 3 plus gros marchés cibles sont l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud et l’Asie. Nous nous concentrons actuellement sur le continent américain et prévoyons d’ouvrir l’Asie en 2017.
Plus que des pays, nous raisonnons en termes de villes, et particulièrement de capitales. C’est le fruit de l’expérience : à nos débuts en France, nous avions ouvert de nombreuses villes pour finalement réaliser que 90% de notre chiffre d’affaires était généré à Paris.
Par exemple, nous ciblons Francfort, Berlin, Munich et Cologne en Allemagne, et Madrid et Barcelone en Espagne.
Concernant les États-Unis, nous développons les 5 p lus grandes villes du pays et ouvrirons dans un deuxième temps 10 villes secondaires. Nous n’irons pas plus loin. Se lancer dans toutes les villes d’un pays n’a pas de sens pour nous.
Afin de déterminer une ville cible, nous nous appuyons sur de nombreux critères. Nous prenons notamment en compte le nombre d’habitants (la ville doit compter plus d’1,5 million d’habitants), le nombre d’entreprises et de sièges sociaux (la ville doit être un centre d’affaires), le PIB du pays, etc.
Votre ambition internationale est-elle née dès le départ ?
Oui, car nous avions compris que nous étions les pionniers : le concept n’existait pas ailleurs. Nous avons décidé très rapidement d’attaquer les marchés étrangers car le concept de Dayuse.com s’adaptait naturellement à une multitude d’utilisateurs et d’usages.
Par exemple, nous étions au départ très orientés « couples » en France, puis nous avons observé une traction auprès des voyageurs et des hommes d’affaires. Nous travaillons désormais sur ces 3 cibles, en adaptant évidemment notre communication selon les territoires.
Nous avons démarré notre développement international un an après le lancement de Dayuse.com. Nous avons commencé par un test à Londres, avant d’accélérer notre croissance sur les autres marchés.
Quelle est votre stratégie de communication à l’étranger ?
La base de notre succès, c’est que nous proposons un service nouveau qui répond à un besoin ancien. Nous avons industrialisé une pratique existante, jusqu’alors adressée de manière artisanale, avec la simplicité et la discrétion en plus.
Compte tenu de nos faibles moyens (4000€ d’investissement initial), nous n’avions évidemment pas de budget de communication à nos débuts. Notre principal avantage a été une proposition de valeur unique et amusante qui a rapidement attiré l’attention des médias.
Le bouche à oreille a fait le reste et constitue aujourd’hui encore l’un des principaux vecteurs de notre traction commerciale.
À l’international, nous avons repris les recettes qui ont fait notre succès, en appliquant désormais une stratégie bien précise :
- Structurer notre offre : nous commençons par une phase de prospection et de signature d’hôtels dans une ville. Celle-ci peut durer plusieurs mois.
- Lancer les campagnes Adwords : après un seuil de 30 hôtels par ville.
- Commencer les relations presse : à partir de 50-60 hôtels par ville, nous travaillons avec des agences locales, supervisées par notre direction de la communication à Paris.
- Investir en média : à partir de 100 hôtels par ville, nous engageons des dépenses online et offline, notamment en display, RTB, retargeting mais aussi en affichage, radio ou presse.
Vous vous êtes lancés l’année dernière aux États-Unis. Ce marché a-t-il demandé des efforts particuliers ?
On ne rentre pas aux États-Unis du jour au lendemain. S’attaquer au marché américain demande d’investir beaucoup de temps et de moyens pour s’entourer des bonnes personnes (avocats, comptables etc.). Ces coûts sont élevés, mais à la hauteur du potentiel du marché.
Le marché américain est notre priorité n°1 : nous pensons que réussir à s’imposer là-bas, c’est s’assurer le leadership mondial. Nous avons créé une filiale locale, indispensable pour se développer aux États-Unis, basée à New-York. C’était fondamental pour 2 raisons :
- D’un point de vue pratique : notre activité nécessite une certaine proximité avec les hôteliers. Nous devons les rencontrer, visiter leurs hôtels etc.
- D’un point de vue culturel : les américains accordent généralement peu d’importance à une société si elle n’est pas physiquement présente sur place.
Avez-vous rencontré des difficultés lors de votre lancement sur le marché américain ?
Oui. Nous avons même fait quelques erreurs en arrivant. Nous avons démarré avec une équipe franco-américaine et fait appel à des collaborateurs américains pas assez qualifiés.
Nous avons également fait l’erreur de nous implanter dans un premier temps à Miami pour des raisons fiscales et pour nous rapprocher de l’Amérique latine. Ça s’est avéré être une fausse bonne idée.
Nous avons rapidement rectifié nos erreurs :
- Nous nous sommes re-localisés à New York : c’est notre premier marché aux États-Unis. Nous y avons généré 1 million de dollars de volume d’affaires en 2015. C’est aussi le centre névralgique de la côte Est.
- Nous avons réorienté notre recrutement vers des commerciaux américains très expérimentés, qui sont bien mieux accueillis par les hôteliers.
- Nous avons envoyé notre country manager UK, qui était culturellement plus adapté et qui a permis d’insuffler notre culture d’entreprise et les bonnes pratiques de la société.
Quelles différences il y a-t-il en termes de recrutement et de management aux États-Unis ?
Recruter des collaborateurs américains est complexe et particulièrement coûteux : les salaires des commerciaux sont 4 à 6 fois plus élevés qu’en France. Nous avons été obligés de nous aligner sur les prix du marché new-yorkais. L’investissement est lourd mais ces profils nous permettent de bénéficier d’un réseau de qualité.
Il y a également de grosses différences culturelles dans les négociations salariales : les américains, ou tout du moins les profils commerciaux, peuvent avoir une attitude assez vindicative. Leur loyauté va d’abord au salaire.
Le management se rapproche en revanche beaucoup de ce que nous faisons en Europe car nous sommes dans une dynamique de startup. Le style de management est direct, avec peu de barrières hiérarchiques.
Je pense qu’il est important pour le CEO de maintenir une liaison permanente avec les équipes américaines. Je me rends moi-même très régulièrement sur place, même si j’ai pour l’instant fait le choix de ne pas m’y installer.
Votre bureau américain est-il un simple bureau de représentation ?
C’est ce que nous avons longtemps cru. Nous pensions pouvoir gérer les autres fonctions depuis Paris. Nous nous sommes ensuite rendus compte que certaines compétences américaines sont clés, notamment sur le produit et le marketing.
Nous sommes ainsi en train de recruter aux Etats-Unis des spécialistes de l’ergonomie pour notre site. Nous allons aussi structurer une équipe marketing locale pour gérer l’acquisition de trafic, l’affiliation et les partenariats locaux.
Nous réfléchissons également à localiser le service client, mais pas nécessairement à New-York pour des raisons de coût et de recrutement. Dallas semble être une bonne option, les services client dans l’industrie hôtelière y sont déjà très présents.
Je pense que nous finirons certainement par dupliquer l’essentiel des fonctions de Dayuse.com aux Etats-Unis.
Avez-vous eu un modèle dans votre développement international ?
Je suis assez admiratif de Booking. J’ai commencé comme apprenti dans l’hôtellerie il y a 15 ans, Expedia était alors leader incontesté du secteur. Booking a su dépasser Expedia en moins de 10 ans.
La façon dont Booking a émergé puis s’est développé à l’international m’a beaucoup inspiré.
Si leur stratégie, parfois dominante, n’est pas nécessairement un modèle pour moi, cela reste un très bon exemple de développement fulgurant.
Quels conseils donneriez-vous à d’autres entrepreneurs à l’international ?
Quand un modèle fonctionne bien et n’existe pas encore sur d’autres territoires, je pense qu’il faut rapidement se lancer à l’international. Dans la mesure du possible, il vaut mieux ne pas trop attendre afin d’éviter de voir émerger des concurrents locaux.
Sur le sujet spécifique des États-Unis, il faut malheureusement intégrer que cela coûte très cher. Mieux vaut faire les choses vite et y mettre les moyens que d’y aller timidement. Le marché américain est prometteur mais très délicat, on ne peut pas y faire les choses à moitié.
Merci à David Lebée d’avoir partagé avec TextMaster les coulisses de la conquête américaine de Dayuse.com.
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