BlaBlaCar rassemble la plus large communauté de covoiturage longue distance au monde. La startup française met en relation des conducteurs voyageant avec des places libres et des passagers souhaitant faire le même trajet. Les coûts du trajet sont ainsi partagés entre les covoitureurs.
10 entrepreneurs français du digital racontent leur succès à l’international
Des tout débuts de covoiturage.fr il y a 10 ans à la marque globale BlaBlaCar, les choses ont bien changé pour la société française. Première startup tricolore à avoir rejoint le club très fermé des licornes, le leader mondial du covoiturage compte aujourd’hui plus de 30 millions de membres dans 22 pays et vient d’officialiser son partenariat avec Google via l’application Google Maps. TextMaster est revenu avec Nicolas Brusson, co-fondateur de BlaBlaCar, sur les recettes de ce développement international fulgurant dont l’acqui-hire et l’adaptation aux cultures locales sont les principaux piliers.
BlaBlaCar compte aujourd’hui 30 millions de membres dans plus de 20 pays. Où en êtes-vous de votre développement international ?
Nous sommes implantés dans 22 pays, que nous gérons depuis 15 bureaux répartis dans le monde. Notre structure est « glocale », c’est à dire globale et locale à la fois : nous avons 300 employés à Paris, 200 à l’international et plus de 30 nationalités représentées. Le fait d’avoir des équipes locales est fondamental dans notre développement international.
Nous sommes aujourd’hui leader mondial sur notre segment : le covoiturage longue distance. Nous observons une forte croissance dans tous les marchés où nous sommes implantés, à des stades de développement différents. Notre objectif est de continuer à croître tout en maintenant notre rythme de croissance actuel, c’est-à-dire en doublant de volume chaque année. Nous souhaitons bien entendu trouver de nouveaux marchés sur lesquels nous implanter, notamment en Asie et en Amérique latine.
Aviez-vous dès l’origine une ambition internationale pour BlablaCar ?
Il y avait déjà, quand nous nous sommes lancés en 2006, de nombreuses plateformes de covoiturage longue distance en France. Notre objectif était donc, dans un premier temps, de devenir le leader français puis de trouver notre business model sur ce marché.
L’ambition internationale de BlaBlaCar est arrivée par la suite, véritablement à partir de 2010. Deux ans plus tard, nous étions déjà implantés dans 8 pays : Espagne, Royaume-Uni, Italie, Portugal, Pays-Bas, Luxembourg et Belgique.
Quand on regarde le développement d’une entreprise traditionnelle, on observe les étapes suivantes : l’entreprise a une idée, elle prouve que cette idée fonctionne en trouvant son business model, elle cherche à être rentable puis se développe à l’international.
Dans le cas d’une startup Internet comme la nôtre, les deux dernières étapes se sont inversées : nous sommes aujourd’hui dans une logique de développement international fort et non de rentabilité, car cela viendra ultérieurement.
Quels ont été les premiers marchés que vous avez adressés ? sur quels critères de sélection ?
Nous avons établi une liste de critères très exhaustive, basée sur les comportements locaux : nous regardons, entre autres, la taille du pays, les distances qui séparent les grandes villes, l’état des routes, l’âge moyen de la population, le taux de pénétration Internet, le développement des transports, le coût en parité de pouvoir d’achat aux 100 km, etc.
Ces critères nous permettent d’évaluer la pertinence de notre service à l’étranger. L’Inde et le Brésil, où nous nous sommes récemment implantés, sont par exemple des pays avec un fort potentiel, car le coût aux 100 km y est élevé et rend le covoiturage très compétitif.
À l’inverse, nous avons estimé que le marché américain n’était pas le plus évident pour BlaBlaCar à ce stade. Du fait des longues distances et de l’absence de péage, le coût aux 100 km y est 2 fois moins élevé qu’en Europe. La motivation financière à partager les frais d’un trajet est donc beaucoup moins impactante. Or, cela reste la première motivation du covoiturage, même si l’aspect convivial, social et environnemental sont également incitatifs.
Quel modèle de développement avez-vous mis en place à l’international ?
Nous nous appuyons sur 3 piliers principaux :
L’acqui-hire | Nous recherchons des startups locales déjà établies et leur proposons de rejoindre le projet BlaBlaCar. Ces entrepreneurs réunissent deux qualités essentielles à nos yeux : le tempérament entrepreneurial et la connaissance intime du marché local. Ils sont donc logiquement les mieux placés pour nous accompagner dans notre expansion internationale.
Nous recherchons avant tout des talents. Nous leur mettons à disposition l’ensemble de notre technologie (plateforme, applications mobiles, etc.) pour leur permettre de se consacrer entièrement au marketing et à la communication locale.
Plus qu’une simple acquisition, c’est un véritable partenariat que nous établissons avec des acteurs partageant le même projet et les mêmes ambitions que BlaBlaCar. Nous favorisons cette stratégie et l’avons appliquée dans de nombreux pays : Italie, Pologne, Russie, République Tchèque, Slovaquie, Mexique.
Le spin off | Ayant par nature une équipe très internationale à Paris, nous proposons à certains de nos collaborateurs étrangers d’ouvrir une filiale dans leur pays d’origine. Nous avons par exemple appliqué cette stratégie avec succès en Allemagne, en Espagne et en Angleterre. C’est notamment très efficace pour transmettre notre culture d’entreprise.
Le local hire | Dans ce cas précis, nous créons un bureau et recrutons localement. C’est ce que nous avons fait en Turquie, en Inde et au Brésil. C’est une méthode plus difficile mais qui fonctionne bien si on s’en donne les moyens.
Dans tous les cas, nous pensons qu’il serait présomptueux de lancer BlaBlaCar à l’étranger uniquement depuis Paris. Notre développement international s’appuie systématiquement sur l’ouverture de bureaux locaux.
Quelles ont été les adaptations du modèle de BlaBlaCar aux cultures locales ?
La technologie est commune au niveau du produit, mais nous avons adapté plusieurs éléments en fonction des marchés cibles :
La communication | BlaBlaCar est une marque commune, internationale et compréhensible par tous. C’est pour cette raison que nous avons changé de nom en 2013. En revanche, nous localisons tous nos visuels et adaptons notre positionnement en fonction du marché. Par exemple, en France, le covoiturage s’appuie sur des coûts attractifs et stables même pour un voyage de dernière minute. En Inde, ce n’est pas une question de prix mais de disponibilité : il n’y a généralement plus aucune place pour voyager en train. Le choix du covoiturage se fait sur des bases différentes. Nous avons donc adapté notre proposition de valeur en Inde en nous appuyant sur la surcharge des transports, là où en France nous mettons en avant le prix.
Le vocabulaire | Le choix des termes en langue étrangère a son importance. Par exemple, le terme covoiturage n’existe pas dans tous les pays. En anglais, le ride-sharing est associé à un service de chauffeur à la demande. En Inde, un « driver » est un chauffeur professionnel. Nous avons donc décidé d’appeler les conducteurs des car-owners afin de nous distinguer des services professionnels.
Les fonctionnalités | Nous développons également des fonctionnalités spécifiques selon les besoins des pays. Par exemple, nous sommes en train de mettre en place un système de vérification de cartes d’identité en Turquie et en Inde où les enjeux de sécurité sont plus présents.
Les moyens de paiement | Certains moyens de paiement n’ont pas d’équivalent dans d’autres pays, comme Maestro en Belgique. Nous nous adaptons également sur ce point.
Comment assurez-vous le recrutement et le management de vos collaborateurs à l’international ?
Nous avons très vite mis l’accent sur la culture d’entreprise. Elle nous permet aujourd’hui de fédérer nos 500 employés répartis dans 15 pays.
Nous impliquons très tôt nos nouveaux collaborateurs dans cette culture d’entreprise : ils sont systématiquement conviés à une formation initiale à Paris et sont accompagnés par un parrain/marraine dès leur arrivée.
Plus qu’un état d’esprit, notre culture d’entreprise est le ciment de BlaBlaCar. L’une de nos valeurs phares est celle du partage : Share more, Learn more. À l’international, il est particulièrement important de capitaliser sur ce que l’on a déjà fait ailleurs afin de s’améliorer. Entreprendre et travailler dans une startup est un apprentissage permanent.
Le recrutement est également l’un de nos principaux challenges car nous grandissons très vite. Nous recevons 5 000 candidatures et accueillons 20 nouveaux employés par mois.
Nous avons internalisé l’ensemble du recrutement : nous n’avons pas de département RH, nous impliquons un maximum de membres en interne dans le recrutement. Nous nous appuyons beaucoup sur la cooptation.
Quels conseils donneriez-vous à d’autres entrepreneurs à l’international ?
Notre aventure internationale nous a permis de tirer plusieurs enseignements :
S’appuyer sur une marque internationale | Il faut avoir une marque évidente, qui peut être comprise par tout le monde et déclinable dans de nombreuses langues, quitte à changer de nom si nécessaire. C’est pourquoi nous avons décidé d’abandonner le nom « covoiturage.fr » pour BlaBlaCar.
Trouver des talents locaux | C’est notre principal enjeu. La méthode acqui-hire a été très bénéfique pour BlaBlaCar. Il est fondamental de laisser assez d’autonomie aux équipes locales, qui ont l’avantage de connaître très bien leur marché.
Développer une forte culture d’entreprise | Il est vraiment important de créer un lien entre les équipes, notamment en phase d’hyper croissance. A fortiori à l’international.
Construire une organisation glocale | Ça a été un élément clé de notre développement. Nous avons des équipes dédiées à la synchronisation entre le siège et les équipes locales, qui veillent à l’alignement de la stratégie et au traitement des retours d’expérience.
Merci à Nicolas Brusson d’avoir partagé les recettes du succès de Blablacar à l’international.
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