Les élections de mi-mandat du 6 novembre donnent aux Américains l’opportunité de choisir la Chambre des représentants et un tiers des sénateurs. Comme toujours avec les élections américaines, cet événement est très médiatisé. C’est également l’occasion de tirer quelques conclusions sur l’actuel occupant de la Maison Blanche.
Depuis son investiture, le président Trump a polarisé l’attention mondiale, notamment avec sa stratégie « America First » qui a provoqué de nombreuses turbulences sur les marchés internationaux.
Cela soulève donc la question suivante : quel est le bilan à tirer après presque 2 ans de Trump ? La situation commerciale aux États-Unis s’est-elle améliorée, comme le prévoit la stratégie « America First » ?
La position américaine sur le marché international est notamment liée à l’exportation et au commerce crossborder. Nous profitons ainsi de ces « midterms » pour vous présenter un aperçu des impacts concrets de la politique du président Trump sur le commerce international.
Agenda de la Trumpologie
Avant même sa prise de fonction officielle, Donald Trump a eu un impact majeur sur les tendances du commerce international par ses déclarations fracassantes dans les médias. Cela a d’ailleurs considérablement influencé l’ensemble des règlementations concernant les chaînes logistiques et les conditions contractuelles des entreprises internationales.
Voici quelques exemples d’actions concrètes initiées par le président Trump :
- Désengagement de l’accord de partenariat transpacifique ;
- Menaces de retrait de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) si les nouvelles négociations ne se font pas en faveur des États-Unis ;
- Appel à la renégociation ou au retrait potentiel de l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain) ;
- Engagement à augmenter l’imposition et les taxes douanières des produits mexicains et chinois ;
- Démarches juridiques plus complexes pour les entreprises américaines cherchant à s’étendre à Cuba.
De plus, la plupart des institutions américaines adoptent aujourd’hui une ligne protectionniste plutôt que de s’ouvrir d’un point de vue politique et/ou économique.
Qu’il s’agisse du Bureau du délégué américain au commerce extérieur (The Office of the U.S. Trade Representative), du Ministère américain du commerce (the US Department of Commerce) ou du CFIUS (Committee on Foreign Investments in the US, le Comité pour les investissements étrangers aux États-Unis), toutes ces institutions ont tendance à se conformer à la ligne politique du Président Trump.
Néanmoins, il convient de noter que la plupart des actions et initiatives énumérées n’ont pas encore été mises en œuvre (ou seulement partiellement). Par exemple, les États-Unis ne se sont pas encore retirés ni de l’ALENA ni de l’OMC.
Voici un aperçu des exemples les plus flagrants des négociations transfrontalières « trumpesques ».
Commerce crossborder : qui est le plus durement touché ?
Chine : une démonstration de force avec des conséquences économiques
La Chine est l’un des pays le plus impacté par la ligne gouvernementale des États-Unis… et les négociations sont souvent âpres. Peu de temps après son investiture, le président Trump avait entamé une guerre commerciale avec la Chine afin de réduire le déficit commercial des États-Unis avec la Chine.
En raison des faibles coûts de production en Chine, les importations à bas prix en provenance de Chine vers les États-Unis étaient plus nombreuses que les exportations des États-Unis vers la Chine. En conséquence, l’économie américaine enregistrerait un déficit de production intérieure et de PIB et une baisse des salaires, ce qui contraste directement avec l’agenda politique de Trump.
Selon un rapport du Daily Signal, le déséquilibre commercial de 2017 aurait entraîné la perte de 450 000 emplois américains. La solution ? Le gouvernement Trump a mis au point sa propre stratégie. De nombreuses restrictions à l’importation et droits de douane punitifs ont été imposés pour contrecarrer cette tendance.
Trump affirme être « disposé à taxer tout ce que les Américains achètent en provenance de Chine ». L’objectif ainsi fixé est de dissuader l’utilisateur final américain d’opter pour un produit chinois plutôt que pour un produit américain. Pour vous donner une idée de l’ampleur de cette mesure, au total, en 2017, pas moins de 360 milliards de dollars de marchandises auraient été taxées de taux d’imposition plus élevés.
Il est compréhensible que Pékin ait également dû réagir suite à ce comportement économique plutôt offensif. À l’instar des États-Unis, le pays a donc procédé à des hausses de taxes sur environ 60 milliards de dollars de marchandises. Ce montant équivaut à la moitié des importations américaines.
Au bout du compte, cela s’est traduit par une augmentation relative des taxes de 5 % à 25 %. Les cultures agricoles telles que le soja, le riz, les produits à base de viande et de poisson, le tabac, ainsi que les véhicules de transport sont particulièrement touchés.
Jusqu’ici, on ne perçoit aucune amélioration de la situation. Il est donc pour l’instant impossible d’analyser entièrement l’ampleur des conséquences négatives sur le commerce transfrontalier entre les deux pays.
Europe : qui tiendra le plus longtemps ?
La nécessité d’équilibrer le déficit commercial aux États-Unis se reflète également dans les échanges entre l’Europe et les États-Unis. Là encore, les États-Unis ont choisi une stratégie fondée sur les taxes et les douanes pour rééquilibrer les importations et exportations en leur faveur. Les produits de l’industrie lourde, tels que l’acier et l’aluminium, sont particulièrement touchés.
Dans le même temps, les États-Unis ont fourni aux sociétés européennes de nombreuses raisons d’investir sur leur territoire. En plus de réduire l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les bénéfices des sociétés a également été réduit et un investissement déductible à 100 % est maintenant en place.
Cette mesure a été vivement critiquée par la France lors de son entrée en vigueur, car la fiscalité des entreprises y est relativement élevée. Pour sa part, l’Europe a réagi en appliquant des droits de douane punitifs et des sanctions aux importations américaines. Cela concerne essentiellement les produits tels que l’acier, le maïs, les jeans ou le whisky.
Les droits de douane supplémentaires appliqués à ces produits depuis le 22 juin s’élèvent à 25 %. Exprimées en valeur absolue, les importations en provenance des États-Unis ont augmenté les droits de douane de 28 milliards d’euros.
Après avoir évoqué, à l’époque de l’ancien président Obama, des accords de libre-échange transatlantiques, tels que le TTIP, force est de constater maintenant que la situation commerciale entre l’Europe et les États-Unis s’est considérablement refroidie.
Canada : conflit de voisinage autour de l’ALENA
En tant que voisin des États-Unis, le Canada a également ressenti les conséquences de la stratégie de politique économique de Trump, notamment dans le cadre de l’ALENA. Laurie Tannous, conseillère spéciale au Cross Border Institute de l’Université de Windsor, est convaincue que la direction prise par le président Trump relève d’une vision à court terme.
En raison notamment de l’ALENA, la chaîne d’approvisionnement et les échanges de produits entre les deux pays sont trop étroitement liés pour qu’une perturbation de l’équilibre ne puisse impacter négativement qu’une seule des parties. C’est particulièrement vrai pour l’industrie automobile, dans laquelle jusqu’à 120 000 emplois canadiens sont concernés. « Personne ne ressort gagnant d’une guerre commerciale », déclare Tannous.
Un autre point de discorde était le programme canadien de protection tarifaire du lait et des dérivés du lait, qui a toujours été problématique pour les États-Unis. Cependant, le Canada s’est engagé à faire des concessions dans le domaine pour permettre aux agriculteurs américains d’avoir un meilleur accès au marché.
Le 30 novembre, un accord supplémentaire doit être signé entre les membres de l’ALENA (États-Unis, Canada et Mexique) mais de nombreux détails sont encore inconnus. Il reste à savoir quels impacts supplémentaires l’accord final aura sur les relations transfrontalières.
Que nous réserve l’avenir ?
Les impacts futurs sont plutôt difficiles à prévoir. Bruce Heyman, ancien ambassadeur américain au Canada sous le président Obama, estime par exemple que Trump est particulièrement influencé par son passé dans l’industrie de la construction à New York. Les pratiques commerciales parfois sombres et les comportements impolis qui y règnent se traduisent désormais directement dans sa politique.
Même si Trump respecte systématiquement ses promesses de campagne, il demeure une variable incontrôlable en raison de nombreuses réactions impulsives. Compte tenu des observations, il semble toutefois évident que les échanges transfrontaliers avec les États-Unis sont de plus en plus compliqués.
Et même aux États-Unis, il n’y a toujours aucune amélioration durable perceptible de la situation économique. Les grandes questions qui se posent désormais concernant l’avenir économique et politique des États-Unis et de leurs partenaires transfrontaliers peuvent être résumées ainsi :
- Si dans le passé, la politique libérale d’investissement et de commerce représentait l’un des principaux facteurs de croissance, quelles conséquences sur la croissance économique une politique contraire aura-t-elle ?
- Si les tendances internationales en matière de commerce et d’investissements sont plus opaques et moins prévisible suite aux décisions politiques, cela se traduira-t-il par des tendances stagnantes ou régressives pour le commerce crossborder ?
- Les restrictions importantes en matière d’investissement (qui sont souvent imposées avec un délai d’application très court et parfois arbitrairement) peuvent-elles être en adéquation avec un système commercial transparent, fondé sur des règles qui posent les bases des échanges commerciaux transfrontaliers ?
Trouver des réponses à ces questions et aux questions connexes : voici le défi que doivent relever tous les participants au commerce international. Une question qui s’étend probablement bien au-delà de la « problématique Trump ».