C’est désormais un rendez-vous incontournable : lors de la plénière d’ouverture de Paris Retail Week, David Mingeon, Directeur Général d’Havas Paris, présente les résultats de l’étude Shopper Observer. L’occasion d’en apprendre plus sur les comportements des consommateurs, leurs attentes, leurs besoins et les grandes tendances que devront suivre les retailers pour garder le cap. À travers ces 5 grandes tendances du retail pour 2019, nous entrons dans l’ère du Smart Phygital !
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1. Du parcours d’achat au parcours de vie : comment aller à la rencontre du consommateur ?
On a beaucoup parlé les années précédentes de l’impératif d’omnicanalité pour les marques. Cet objectif devient presque désuet : il faut maintenant inventer des marques et des produits qui vont directement à la rencontre des consommateurs. Comme l’illustre bien l’exemple des dead malls aux USA (ces grands centres commerciaux complètement désertés) ou celui de la fermeture des 800 points de ventes américains de Toys R Us, les consommateurs s’éloignent inexorablement des magasins physiques, et attribuent moins de temps au shopping qu’avant.
En effet, 59% des français ont de moins en moins envie de consacrer du temps à faire du shopping… et 32% des français ressentent plus qu’avant les courses comme une corvée. Les retailers doivent ainsi trouver de nouvelles connexions avec le consommateur, et faire entrer de nouveau l’acte d’achat dans la routine quotidienne.
Bien que le chiffre soit deux fois moins élevé qu’en Chine, 41% des consommateurs français pensent pouvoir se passer totalement des magasins physiques. Couplé à la volonté grandissante de pouvoir acheter n’importe où et n’importe quand, ce chiffre doit faire réfléchir les commerçants à la manière dont ils peuvent abolir les frontières entre le domicile et le magasin. Toyota a par exemple imaginé un système d’e-Palette, sorte de magasin ambulant sous forme de concept-car autonome. Des startups se sont également penchées sur le sujet, comme la suédoise Wheelys ou encore Robomart, née à San Francisco.
Ce genre de solutions répond aussi à une tendance de plus en plus forte chez les jeunes générations : celle de rester chez soi plutôt que de sortir. Les retailers doivent donc redoubler d’efficacité sur un autre point : la livraison. Le same-day delivery est déjà dépassé ; on entre dans l’instantanéité. Si les gens ne vont plus au magasin, le magasin doit venir aux consommateurs : les nouveaux services d’Amazon ou Walmart grâce aux serrures connectées ont désanctuarisé le domicile.
2. L’âge conversationnel commence vraiment : l’âge d’or des smart speakers arrive !
On l’a longtemps présenté comme une tendance future, mais c’est aujourd’hui une réalité : 57% des français pensent que les assistants conversationnels vont rendre leur vie plus facile. Et ils sont mêmes 63% à imaginer que la voix pourrait très bien remplacer le clavier ou l’écran d’ordinateur.
Si l’adoption des smart speakers est déjà très élevée aux États-Unis, elle reste encore assez faible en France, de même que les fonctionnalités disponibles via ce canal. Mais les marques et retailers ont tout intérêt à s’y mettre : d’ici 2 ans, 50% des recherches internet se feront via les assistants conversationnels.
Tout cela implique également que les règles du jeu vont changer en matière de référencement. Les entreprises vont devoir creuser le sujet afin de passer d’une recherche par keywords à une question structurée en langage naturel, d’entrer dans la liste très sélective des 3 premiers résultats et même d’être proposé comme solution produit lors de demandes génériques.
Les smart speakers peuvent aussi ouvrir la voie à de nouvelles formes de publicité pour les marques : un consommateur qui cherchera à acheter du dentifrice pourrait par exemple se voir proposer la marque Colgate par son assistant vocal.
Les points de vente pourraient aussi évoluer à travers les assistants conversationnels ; on peut très bien imaginer des magasins physiques dans lesquels les smart speakers viendraient conseiller les clients.
3. Du customer care au healthy manufacturing : quand transparence & qualité deviennent les maître-mots du retail
86% des consommateurs français ont l’impression que plusieurs produits du quotidien sont dangereux pour la santé. Aujourd’hui, même les produits que l’on pensait les plus sains sont montrés du doigt : raisin, céleri, couches… pesticides et produits toxiques envahissent nos frigos et nos placards. Certains produits du quotidien, du sucre aux écrans, sont présentés comme de nouvelles drogues. Cette inquiétude, qui auparavant concernait principalement les produits alimentaires, touche aujourd’hui tous les secteurs du retail : cosmétiques, ondes, matériaux de construction..
Difficile pour le consommateur, dans ce contexte, d’avoir confiance : 1/3 des Français n’accordent pas leur confiance aux enseignes de distribution pour les aider à mieux consommer. 80% d’entre eux se disent plus attentifs à l’impact des produits qu’ils achètent : la promesse de qualité devient un standard du marché, et sur ce sujet les artisans et petits commerçants ont naturellement un capital confiance beaucoup plus important.
Certains modèles repensent totalement l’offre ou le magasin pour répondre aux enjeux environnementaux, comme les supermarchés The Goods Mart ou encore la marque de chaussures allbirds, résolument engagées dans la protection de l’environnement et le mieux-consommer.
Les enseignes doivent aujourd’hui aider les consommateurs à bien consommer, et cela passe aussi par de la pédagogie. Tesco, Auchan ou encore Intermarché l’ont bien compris : ils doivent répondre aux attentes de transparence dans le processus de fabrication et de distribution. La chaîne logistique doit pouvoir être complètement tracée. Cela représente aussi une opportunité pour les entreprises de développer des solutions plus ou moins high-tech qui répondent à ces enjeux de transparence et de réassurance.
4. Big data, safe data, sale date : la sécurité des données, nouvel argument de différenciation des marques ?
“Nous avons mis à jour notre politique de confidentialité et de gestion des données utilisateurs”. Autour du 25 mai 2018, vous avez sans doute tous reçu de nombreux mails avec cet objet. L’entrée en vigueur du Règlement Général sur la Protection des Données a stoppé net les pratiques de nombreuses enseignes du retail en matière de récolte et d’exploitation des datas de leurs clients.
La data vaut très cher ; certains voient même en elle une nouvelle monnaie virtuelle. La récolte et l’exploitation des données peut se révéler source de grande richesse pour les marques, et notamment les retailers. Et 24% des français (qu’ils soient totalement consentants ou peu vigilants) disent fournir leurs données personnelles sans se poser de questions, notamment :
- Pour profiter de promotions (56%)
- Pour recevoir des informations qui les intéressent (50%)
- Pour que leur fidélité soit mieux récompensée (65%)
Malheureusement, entre marchandisation des données et intrusion dans la vie privée, les GAFAs et autres grandes marques inquiètent aussi beaucoup les consommateurs : 81% des français se sentent ainsi de plus en plus espionnés par les marques, et 76% ont même peur que leur vie privée soit dévoilée.
Les consommateurs sont face à un véritable dilemme : la technologie et la data permettent de supprimer les zones de friction avec le consommateur. Elles peuvent simplifier la vie du consommateur… à condition qu’il accepte d’être traqué. La tendance actuelle semble être à la prise de conscience chez les consommateurs : 72% des français se disent inquiets de la quantité de données que les marques ont sur eux, et 62% sont prêts à payer plus cher pour une marque ou une enseigne qui fait preuve d’éthique dans la gestion de ses données.
Mais peut-on vraiment passer à un retail “data-free” ? Avoir des expériences toujours plus personnalisées tout en arrêtant de donner des informations sur nous ? Si l’on s’intéresse à la publicité par exemple, on voit bien que tout est construit et designé autour de la récolte de données : Apple, depuis sa dernière mise à jour, propose par exemple d’activer l’option “suivi publicitaire limité”. Sauf que le consommateur se retrouvera exposé à autant de publicités qu’avant…. elles seront simplement moins ciblées, et donc moins pertinentes.
Un système “data-free” semble donc quasi-inenvisageable aujourd’hui ; toutefois, la sécurité des données récoltées et les politiques de gestion des marques pourraient devenir un véritable argument de différenciation.
5. Le nouveau discount branché : pourquoi les marques doivent démocratiser l’accès au luxe
80% des français se considèrent plus exigeants qu’avant : cela signifie qu’ils sont loin d’être prêts à renoncer à la qualité… mais pas qu’ils sont prêts à payer plus cher. Le vieil adage selon lequel “plus c’est cher, mieux c’est” semble en effet définitivement tombé aux oubliettes. 75% des français considèrent qu’aujourd’hui la qualité n’est pas synonyme de prix élevé. Acheter cher ne veut pas dire acheter mieux ! Les consommateurs peuvent aujourd’hui regarder les avis clients sur internet pour avoir des retours d’expériences sur un produit et savoir s’il fonctionne bien ou non, et ce indépendamment du prix qu’il coûte.
Les marques, notamment dans le retail, ont donc tout intérêt à démocratiser l’accès au luxe, ou tout du moins au haut de gamme, et à faire vivre des expériences incroyables à leurs clients. Car c’est ce que ces derniers attendent d’elles : 75% des Français considèrent que les entreprises qui marchent sont celles qui mettent fin aux privilèges et démocratisent l’accès aux produits ; et 65% estiment que les marques ne doivent pas simplement vendre des produits, mais doivent proposer des expériences intéressantes.
C’est par exemple ce que fait la chaîne hôtelière Citizen M en offrant à ses clients du luxe “100% démocratique, 0% aristocratique”. Dans ses hôtels, les espaces sont très luxueux, les chambres ultra-personnalisables et hi-tech… et les prix bien en-deçà du marché pour ce type de prestations. Cette chaîne a tout compris : elle propose du sur-mesure à un prix standardisé. Un idéal que 66% des français soutiennent. C’est aussi le cas de la marque Shoes of Prey, qui vend des chaussures faites sur-mesure, au design personnalisable. Le résultat ? Plus de 6 millions de paires uniques vendues depuis la création de l’entreprise en 2009.
Un autre angle choisi par certaines marques pour offrir une grande qualité à moindre coût, c’est la suppression des intermédiaires. 88% des français ont en effet l’impression qu’il y a trop d’intermédiaires dans le commerce, et 78% préféreraient acheter directement au producteur / fabricant. La marque de chaussures de luxe Hiima s’inscrit dans cette tendance : ses produits sont fabriqués artisanalement dans des ateliers portugais avec lesquels les fondateurs travaillent en étroite collaboration. En supprimant tous les intermédiaires, et en ne vendant qu’en ligne une petite quantité de chaque modèle ou sur précommande, ils peuvent proposer des chaussures de très haute qualité… environ trois fois moins cher que les autres marques de luxe.
La marque de cosmétiques Beauty Pie a choisi le modèle de l’abonnement : en payant 10$ par mois, les consommateurs peuvent accéder à des produits cosmétiques de luxe à faible coût. Comment ? Grâce à la force du nombre ! La marque revendique le pouvoir de sa grande communauté d’abonnés pour acheter les produits au prix de production et les revendre directement sur son site. En supprimant toute la chaîne de logistique, Beauty Pie réduit ainsi les prix des produits de 80 à 90% !
Sans surprise, les marques vont devoir redoubler d’énergie et d’inventivité pour répondre aux nouveaux besoins des consommateurs, et il semblerait que tout soit une question d’équilibre : entre le magasin physique et le digital, entre l’humain et l’intelligence artificielle, entre la rentabilité et la transparence, entre l’intrusion et la personnalisation, et enfin entre la qualité et le prix. Un équilibre difficile à trouver et surtout très fragile : à tout moment, les marques peuvent perdre la confiance des consommateurs. Chacune d’entre elles devra trouver un chemin spécifique pour s’adresser à ses clients et développer avec eux une relation commerciale et humaine de confiance… pour un retail plus intelligent, et plus phygital !
Et pour un retail plus international, n’hésitez pas à découvrir les témoignages d’Amandine de Souza, Guillaume Rouby ou encore Martin Sauer dans notre e-book International Stories !